RAPPORT sur les préoccupations quant aux effets pour la santé des champs électromagnétiques

23.2.2009 - (2008/2211(INI))

Commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire
Rapporteure: Frédérique Ries

Procédure : 2008/2211(INI)
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A6-0089/2009

PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN

sur les préoccupations quant aux effets pour la santé des champs électromagnétiques

(2008/2211(INI))

Le Parlement européen,

–   vu les articles 137, 152 et 174 du traité CE visant un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l'environnement, ainsi que de la santé et de la sécurité des travailleurs,

–   vu la recommandation 1999/519/CE du Conseil du 12 juillet 1999 relative à la limitation de l'exposition du public aux champs électromagnétiques[1] et le rapport de mise en œuvre du 1er septembre 2008 la concernant (COM(2008)532 final),

–   vu la directive 2004/40/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à l'exposition des travailleurs aux risques dus aux agents physiques (champs électromagnétiques)[2],

–   vu la directive 1999/5/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 1999 concernant les équipements hertziens et les équipements terminaux de télécommunications et la reconnaissance mutuelle de leur conformité[3] et les normes respectives de sécurité harmonisées pour les téléphones mobiles et les stations de base,

–   vu la directive 2006/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au matériel électrique destiné à être employé dans certaines limites de tension,[4]

–   vu sa résolution du 4 septembre 2008 sur l'évaluation à mi-parcours du plan d'action européen en matière d'environnement et de santé 2004-2010[5],

–   vu sa résolution du 10 mars 1999 sur la proposition de recommandation du Conseil concernant la limitation de l'exposition du public aux champs électromagnétiques 0 Hz-300 GHz[6],

–   vu l'article 45 de son règlement,

–   vu le rapport de la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (A6-0089/2008),

A. considérant que les champs électromagnétiques (CEM) existent dans la nature et ont donc toujours été présents sur terre; que, toutefois, au cours de ces dernières décennies, l'exposition environnementale à des sources de CEM fabriquées par l'homme a régulièrement augmenté du fait de la demande en électricité, des technologies sans fil toujours plus pointues et des changements survenus dans l'organisation sociale, ce qui implique qu'actuellement chaque citoyen est exposé à un mélange complexe de champs électriques et magnétiques de différentes fréquences, à la maison comme au travail,

B.  considérant que la technologie des appareils sans fil (téléphone mobile, Wifi-Wi max, Bluetooth, téléphone à base fixe DECT) est une source de CEM qui peuvent avoir des effets néfastes sur la santé humaine,

C. considérant que, si une majorité de citoyens européens, dont en particulier les jeunes de 10 à 20 ans, utilise un téléphone portable, objet utilitaire, fonctionnel et à la mode, des incertitudes demeurent quant aux risques possibles pour la santé, en particulier pour les jeunes dont le cerveau est encore en développement,

D. considérant que la controverse au sein de la communauté scientifique relative aux possibles risques sanitaires dus aux CEM s'est amplifiée depuis le 12 juillet 1999 et la fixation de limites d'exposition du public aux CEM (0 Hz à 300 GHz) par la recommandation 1999/519/CE,

E.  considérant que l'absence de conclusions formelles de la communauté scientifique n'a pas empêché certains gouvernements nationaux ou régionaux, dans au moins neuf États membres de l'Union européenne, mais aussi en Chine, en Suisse et en Russie, de fixer des limites d'exposition dites préventives et donc inférieures à celles prônées par la Commission et son comité scientifique indépendant, le Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (CSRSEN)[7],

F.  considérant qu'il faut trouver un équilibre entre les actions visant à limiter l'exposition du public aux CEM et l'amélioration de la qualité de la vie, en termes de sûreté et de sécurité, que procurent les équipements émetteurs de CEM,

G. considérant que, parmi les projets scientifiques suscitant tant l'intérêt que la polémique, figure l'étude épidémiologique Interphone financée par l'Union à hauteur de 3 800 000 EUR, principalement au titre du 5e programme-cadre de recherche et développement (PCRD)[8] , dont les conclusions sont attendues depuis 2006,

H. considérant, néanmoins, que certaines connaissances semblent faire l'unanimité, en particulier celles énonçant le caractère variable selon les individus des réactions à une exposition de micro-ondes, la nécessité d'effectuer des tests d'exposition grandeur nature, en priorité pour évaluer les effets non thermiques associés aux champs radiofréquences (RF), et la vulnérabilité particulière des enfants en cas d'exposition à des champs électromagnétiques[9],

I.   considérant que l'UE a fixé des seuils limites d'exposition pour protéger les travailleurs contre les effets des CEM; et que, sur la base du principe de précaution, il y a lieu de prendre de telles mesures également pour les catégories de population concernées, telles que les riverains et les utilisateurs,

J.   considérant que l'enquête spéciale de l'Eurobaromètre sur les champs électromagnétiques (n° 272a de juin 2007) indique que la majorité des citoyens estime que les autorités publiques ne les informent pas suffisamment des mesures prises pour les protéger des CEM,

K. considérant qu'il est indispensable de poursuivre les recherches sur les fréquences intermédiaires et très basses, dans le but de tirer des conclusions sur les incidences de ces dernières sur la santé,

L.  considérant que l'utilisation de l'imagerie par résonance magnétique (IRM) ne doit pas être menacée par la directive 2004/40/CE car il s'agit d'une technologie à la pointe de la recherche, du diagnostic et du traitement de maladies potentiellement mortelles qui touchent les patients en Europe,

M. considérant que la norme de sécurité IEC/EN 60601-2-33 prévoit des valeurs limites pour les CEM qui ont été fixées de manière à écarter tout danger pour les patients et les travailleurs,

1.  prie instamment la Commission de procéder à la révision de la base scientifique et du bien-fondé des limites fixées pour les CEM dans la recommandation 1999/519/CE et de faire rapport au Parlement. La révision devrait être menée par le SCENIHR;

2.  invite à prêter une attention particulière aux effets biologiques lors de l'évaluation des incidences potentielles des rayonnements électromagnétiques sur la santé, et ce d'autant plus que certaines études ont révélé que de très faibles rayonnements ont des effets très néfastes; appelle à mener des recherches actives sur les effets potentiels sur la santé en mettant au point des solutions qui contrecarrent ou réduisent les pulsations et la modulation d'amplitude des fréquences utilisées aux fins des transmissions;

3.  souligne que, parallèlement ou alternativement à cette modification des normes européennes pour les CEM, il serait judicieux que la Commission élabore, en coordination avec les experts des États membres et les secteurs industriels concernés (compagnies électriques, opérateurs téléphoniques et constructeurs d'appareils électriques, notamment de téléphones portables), un guide des options technologiques disponibles et efficaces dans la réduction de l'exposition aux CEM;

4.  précise que les acteurs industriels ainsi que les gestionnaires des infrastructures concernées et les autorités compétentes peuvent d'ores et déjà agir sur certains facteurs, par exemple en adoptant des dispositions relatives à la distance entre le lieu considéré et les émetteurs ou à l'altitude du lieu par rapport à l'altitude de l'antenne relais et à la direction de l'antenne émettrice par rapport aux lieux de vie, ceci dans un souci évident de rassurer et mieux protéger les populations vivant à proximité de ces équipements; appelle à sélectionner les sites les plus appropriés pour l'installation de pylônes électriques et d'émetteurs et invite les opérateurs à se partager les pylônes et les émetteurs installés à la suite de cette sélection dans le but de limiter la prolifération de pylônes et d'émetteurs mal situés; invite la Commission et les États membres à élaborer des lignes directrices appropriées;

5.  invite les États membres et les autorités locales et régionales à se doter d'un régime unique pour les autorisations relatives à l'installation d'antennes et de relais, ainsi qu'à inclure dans leurs plans d'urbanisation un plan régional de répartition des antennes;

6.  encourage vivement les administrations chargées de délivrer les autorisations d'installation des antennes de téléphonie mobile à passer des accords, en coopération avec les opérateurs du secteur, pour le partage des infrastructures, afin d'en réduire le nombre ainsi que l'exposition de la population aux CEM;

7.  prend acte des efforts entrepris par le secteur des communications mobiles et par ceux des autres technologies sans fil émettant des CEM pour éviter de nuire à l'environnement et, en particulier, pour répondre au changement climatique;

8.  estime que, face à la multiplication des recours en justice et des mesures émanant de l'autorité publique qui ont pour effet la mise en place de moratoires sur l'installation de nouveaux équipements émettant des CEM, il est dans l'intérêt général de favoriser des solutions reposant sur le dialogue entre acteurs industriels, pouvoirs publics, autorités militaires et associations de riverains quant aux critères d'installation de nouvelles antennes GSM ou de lignes à haute tension, et de veiller au moins à ce que les écoles, les crèches, les maisons de repos et les établissements de santé soient tenus à une distance donnée de ce type d'équipements, déterminée sur la base de critères scientifiques;

9.  demande aux États membres de coopérer avec les opérateurs du secteur pour mettre à la disposition du public des cartes d'exposition pour les installations de lignes à haute tension, de radiofréquences et de micro-ondes, particulièrement celles produites par les tours de télécommunications, les relais radioélectriques et les antennes de téléphonie; demande de publier ces informations sur un site internet, de manière à ce que le public puisse les consulter aisément, et de les diffuser dans les médias;

10. propose à la Commission d'évaluer la possibilité de recourir aux fonds des réseaux transeuropéens d'énergie (RTE-E) pour étudier les effets des CEM de fréquences très basses et en particulier des lignes de distribution de l'énergie électrique;

11. appelle la Commission à initier au cours de la législature 2009-2014 un programme ambitieux de biocompatibilité électromagnétique entre les ondes créées artificiellement et celles émises naturellement par le corps humain vivant, permettant d'identifier à terme si les micro-ondes ont des conséquences indésirables pour la santé humaine;

12. invite la Commission à présenter un rapport annuel sur le niveau de rayonnement électromagnétique dans l'Union, sur ses sources et sur les mesures prises par l'Union pour mieux protéger la santé humaine et l'environnement;

13. demande à la Commission de trouver une solution afin que la mise en œuvre de la directive 2004/40/CE soit accélérée et de s'assurer ainsi que les travailleurs soient effectivement protégés des CEM, comme ils le sont déjà du bruit[10] et des vibrations[11] par deux autres textes communautaires, et de mettre en place une dérogation pour l'IRM en vertu de l'article 1er de cette directive;

14. déplore le fait que, suite aux reports répétés depuis 2006, la publication des conclusions de l'étude épidémiologique internationale Interphone se fasse toujours attendre, dont l'objectif est d'étudier s'il existe une relation entre l'usage du téléphone mobile et certains types de cancer, dont notamment les tumeurs du cerveau, du nerf auditif et de la glande parotide;

15. souligne, dans ce contexte, l'appel à la prudence lancé par la coordinatrice de l'étude Interphone, Mme Elisabeth Cardis qui, sur la base des connaissances actuelles, recommande pour les enfants une utilisation raisonnable du téléphone portable et de privilégier le téléphone fixe;

16. estime en tous les cas qu'il est du devoir de la Commission, qui a largement contribué au financement de cette étude mondiale, de demander aux responsables du projet les motivations de l'absence de publication définitive, et d'informer immédiatement en cas de réponse le Parlement et les États membres;

17. suggère également à la Commission, dans un souci d'efficacité politique et budgétaire, un redéploiement partiel du financement communautaire consacré aux études sur les CEM vers une campagne globale de sensibilisation des jeunes Européens relative aux bonnes pratiques en matière d'utilisation du téléphone portable, comme l'utilisation de kits «mains libres», le fait de ne passer que des appels courts, d'éteindre son téléphone lorsqu'on ne l'utilise pas (comme en classe, par exemple) et d'utiliser les téléphones dans des zones où la réception est bonne;

18. de telles campagnes de sensibilisation devraient également faire prendre conscience aux jeunes Européens des risques pour la santé liés aux appareils ménagers et de la nécessité d'éteindre complètement les équipements plutôt que de les laisser en mode veille;

19. demande à la Commission et aux États membres de consacrer davantage de fonds à la recherche et au développement dans le but d'évaluer les éventuels effets négatifs à long terme des radiofréquences des téléphones portables; leur demande par ailleurs d'organiser davantage d'appels à propositions concernant la recherche sur les effets nocifs de l'exposition à des sources multiples de CEM, en particulier quand la population infantile est concernée;

20. propose que soit ajoutée au mandat du Groupe européen d'éthique des sciences et des nouvelles technologies (GEE) une mission d'évaluation de l'intégrité scientifique afin d'aider la Commission à prévenir les éventuelles possibilités de situations à risque, de conflits d'intérêts ou même de fraudes susceptibles de se produire dans un contexte de compétition accrue pour les chercheurs;

21. demande à la Commission, en réponse aux inquiétudes du public dans un grand nombre d'États membres, de travailler avec tous les acteurs concernés, tels que les experts nationaux, les organisations non gouvernementales et les secteurs industriels, afin d'améliorer la disponibilité et l'accessibilité d'informations actualisées, compréhensibles pour les profanes, sur les technologies sans fil et les normes de protection;

22. appelle la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants et l'Organisation mondiale de la sante (OMS) à être plus transparentes et plus ouvertes au dialogue avec toutes les parties concernées lorsqu'elles fixent des normes;

23. dénonce certaines campagnes marketing d'opérateurs téléphoniques particulièrement agressives à l'occasion des fêtes de fin d'année ou d'autres événements particuliers, comme la vente de téléphones mobiles exclusivement destinés aux enfants ou les forfaits «minutes gratuites» ciblés sur les adolescents;

24. propose que l'Union inclue dans sa politique de qualité de l'air intérieur l'étude des appareils domestiques sans fil qui, tels le Wifi pour l'accès à Internet et le téléphone sans fil à base fixe DECT, se sont généralisés ces dernières années dans les lieux publics et les habitations, exposant les citoyens à une émission de micro-ondes en continu;

25. réclame, dans un souci constant d'amélioration de l'information des consommateurs, que soient modifiées les normes techniques du Comité européen de normalisation électrotechnique de façon à imposer une obligation d'étiquetage visant la puissance d'émission et indiquant pour tout appareil fonctionnant sans fil qu'il émet des micro-ondes;

26. appelle le Conseil et la Commission, en coordination avec les États membres et le Comité des régions, à favoriser la mise en place d'une norme unique afin de réduire au maximum l'exposition des riverains en cas d'extension du réseau des lignes électriques à haute tension;

27. est vivement interpellé par le fait que les compagnies d'assurance tendent à exclure la couverture des risques liés aux CEM des polices de responsabilité civile, ce qui signifie à l'évidence que les assureurs européens font déjà jouer leur version du principe de précaution;

28. invite les États membres à suivre l'exemple de la Suède et à accorder aux personnes qui souffrent d'hypersensibilité électromagnétique le statut de personne à capacités réduites, de manière à ce qu'elles bénéficient d'une protection appropriée et de chances égales;

29. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et parlements des États membres, au Comité des régions et à l'OMS.

  • [1]  JO L 199 du 30.07.99, p. 59.
  • [2]  JO L 159 du 30.04.2004, p. 1.
  • [3]  JO L 91 du 07.04.1999, p. 10.
  • [4]  JO L 374 du 27.12.2006, p. 10.
  • [5]  Textes adoptés de cette date, P6_TA(2008)0410.
  • [6]  JO C 175 du 21.6.1999, p. 129.
  • [7]  Avis du 21 mars 2007 adopté lors de la 16e plénière.
  • [8]  Programme Qualité de vie sous numéro de contrat QLK4-1999-01563.
  • [9]  Étude STOA de mars 2001 sur les "effets physiologiques et environnementaux des rayonnements électromagnétiques non ionisants", PE297.574.
  • [10]  Directive 2003/10/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 février 2003 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à l'exposition des travailleurs aux risques dus aux agents physiques (bruit) (JO L 42, du 15.02.2003, p. 38).
  • [11]  Directive 2002/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2002 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à l'exposition des travailleurs aux risques dus aux agents physiques (vibrations) (JO L 177, du 06.07.2002, p. 13).

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'impact des champs électromagnétiques sur la santé: de quoi parlons-nous?

Parmi les surprises que nous réserve le corps humain, l'une des plus originales est certainement sa capacité à émettre naturellement des champs électriques dus principalement à notre fonctionnement biologique. C'est ainsi que l'activité électrique du cœur, ainsi que celle du cerveau, peuvent être enregistrées respectivement par un électrocardiogramme et un électro-encéphalogramme. Est-ce que cette activité électrique naturelle interagit avec les champs électromagnétiques générés par l'activité humaine? Comment le corps humain absorbe-t-il les champs électromagnétiques émis par des appareils aussi divers que la radio, la télévision, le micro-onde, le téléphone mobile, les antennes-relais ou les lignes à haute tension?

Autant de questions qui révèlent de nombreuses incertitudes scientifiques et dont les pouvoirs publics n'ont pas encore pris la pleine mesure. C'est tout l'intérêt de ce rapport d'initiative rédigé en toute indépendance, sans prendre parti dans la controverse scientifique qui fait rage sur le sujet des champs électromagnétiques. Un rapport qui se fixe comme objectif premier, à travers une dizaine de propositions concrètes, d'apporter des réponses aux citoyens, qu'ils soient simples utilisateurs de ces appareils et/ou riverains d'antennes-relais ou de lignes à haute tension. Des citoyens qui sont de plus en plus nombreux à exprimer des inquiétudes quant à l'impact pour leur santé de cette exposition continue à des micro-ondes.

Des recommandations européennes peu suivies par les États membres

Faute de compétences attribuées par les traités, aucune loi européenne n'oblige les États membres à prendre des mesures en matière d'ondes à basse et à très basse fréquence: celles émises principalement aujourd'hui par les antennes de téléphonie mobile et les technologies sans fil.

C'est pourquoi au niveau de l'Union européenne (UE), les normes d'exposition des citoyens sont fixées dans une recommandation du Conseil du 12 juillet 1999 relative à la limitation de l'exposition du public aux champs électromagnétiques (de 0 Hz à 300 GHz).

Elles suivent exactement les standards préconisés par la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP), organisation non gouvernementale reconnue officiellement par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui évalue les résultats scientifiques du monde entier.

La recommandation précitée du Conseil de l'UE fixe les valeurs limites suivantes:

1.  GSM (900 MHz): 41,25 Volts/mètre

2.  DCS (1800 MHz): 58,33 Volts/mètre

3.  UMTS (2100 MHz): 61 Volts/mètre.

A contrario, rien n'empêche les États membres d'adopter des normes de protection plus sévères: pas moins de 9 États membres au niveau national ou régional l'ont déjà fait, dont la Grèce, la Pologne et, plus récemment, la Belgique.

Au Grand-Duché de Luxembourg, un État que la rapporteure connaît bien, le gouvernement s'est orienté depuis fin 2000 vers l'application du principe de précaution avec une valeur maximale du champ électrique de 3 Volts/mètre fixée pour un émetteur auprès d'un lieu où peuvent séjourner des gens. La population luxembourgeoise est pratiquement 14 fois plus protégée à l'égard des champs électromagnétiques que d'autres citoyens de l'UE.

Au niveau de l'UE, cette absence de coordination des politiques nationales sur le sujet n'est pas réjouissante. Et la rapporteure estime qu'il est du devoir de la Commission de mettre en place une politique claire dans le domaine des champs électromagnétiques (volet compétitivité, innovation, santé et information des consommateurs), qui ne saurait se réduire à l'actuel saupoudrage de quelques projets financés par la DG Recherche.

Pour la rapporteure, à ce stade, une piste s'impose: la bonne démarche consiste certainement à trouver une solution politique en vertu de laquelle les valeurs limites fixées seraient régulièrement adaptées (au vu des nouvelles technologies mises sur le marché et des résultats des nouvelles études épidémiologiques) et garantiraient un haut niveau de protection des consommateurs, et des enfants en particulier, sans pour autant entraver le fonctionnement des réseaux de téléphonie mobile.

C'est l'approche choisie par l'Agence européenne pour l'environnement basée à Copenhague, qui, courageusement, recommandait en septembre 2007 aux autorités des 27 États membres de mieux protéger le public en prenant "des mesures de prévention appropriées et proportionnées [...] afin de [...] contrer des menaces sérieuses". Il s'agit là d'une évolution significative dans ce dossier, et d'un appel à agir qui contraste avec le statu quo prôné par l'OMS. Cette dernière semble en effet vouloir temporiser: la date qu'elle propose pour estimer complètement l'impact des champs électromagnétiques chez l'homme est 2015!

Votes du 10 mars 1999 et du 4 septembre 2008: le Parlement européen persiste et signe

Il y a 10 ans déjà le Parlement délivrait un message empreint de prudence à l'égard des normes fixées par l'Union afin de protéger les citoyens des micro-ondes. Une critique à peine voilée adressée à la Commission européenne et au Conseil, puisque le rapporteur Gianni Tamino préconisait ni plus ni moins l'application du principe de précaution et du principe dit "Alara" (as low as reasonably achievable) en vertu duquel l'exposition aux rayonnements doit être aussi faible que raisonnablement possible.

Position claire, que le Parlement européen a confirmée sur ce sujet sensible des valeurs limites d'exposition lors de son vote du 4 septembre dernier sur l'évaluation à mi-parcours du Plan d'action européen en matière d'environnement et de santé 2004-2010.

Fort d'un consensus presque total (522 votes pour, 16 contre) le Parlement a demandé au Conseil "de modifier sa recommandation 1999/519/CE afin de tenir compte des meilleures pratiques nationales et de fixer ainsi des valeurs limites d'exposition plus exigeantes pour l'ensemble des équipements émetteurs de champs électromagnétiques dans les fréquences entre 0,1 MHz et 300 GHz."

La rapporteure est consciente que la question des seuils est de la compétence exclusive des États membres et des autorités régionales et préfère ici insister sur les solutions de rechange qui s'offrent aux industriels pour prévenir tout risque pour la santé: il serait peut-être possible d'imiter les autorités autrichiennes, par exemple, qui ont surélevé les antennes-relais afin de mieux répartir la fréquence d'émission.

On ne peut ignorer le fait qu'au cours de ces dix dernières années, l'environnement quotidien des citoyens européens a considérablement changé, dès lors que le recours aux technologies sans fil s'est généralisé (téléphone à base fixe DECT, téléphone mobile, émissions UMTS-Wifi-Wi max-Bluetooth et baby-phones etc.). Reconnaître l'apport de ces technologies nouvelles ainsi que leur omniprésence sur le lieu de travail, à la bibliothèque comme au domicile privé, c'est aussi admettre que ces appareils fassent l'objet d'une évaluation avant leur mise sur le marché et que, plus généralement, des seuils soient fixés quant au niveau d'exposition aux micro-ondes dans une habitation. Il y aurait, sans cela, un risque de non-assistance à consommateur en danger!

C'est ce climat de confiance, qui fait actuellement défaut, qu'il conviendra de restaurer dans les années à venir avec les consommateurs et les riverains, mais aussi au sein même de la communauté scientifique. Car, si la rapporteure a délibérément choisi de ne citer aucune étude ou document déjà publié, à l'exception de ceux émanant du Parlement européen, c'est bien parce que, sur le sujet des champs électromagnétiques et des risques possibles pour la santé, la communauté scientifique est prise en flagrant délit de désaccord persistant.

L'étude Interphone: un cas d'école

La rapporteure sait pertinemment que les controverses font partie de la marche normale de la science: la polémique qui a divisé des années durant sur le changement climatique et ses causes est là pour nous le rappeler!

Pour autant, il est difficile d'accepter que des études soient "gelées" au motif que les experts sont incapables de s'entendre sur une conclusion, surtout quand l'argent public européen est en jeu.

L'étude Interphone est, de ce point de vue, un véritable cas d'école. Initiée en 1998, entamée en 2000, et surtout annoncée comme le projet scientifique le plus complet, puisqu' impliquant pas moins de 12 États au plan mondial avec un protocole exemplaire afin d'augmenter au maximum la capacité de déceler les risques de certains types de cancer, ses conclusions se font toujours attendre, et ce depuis 2006. Il est donc légitime de se demander si une quelconque réponse formelle sera donnée un jour.

La rapporteure est consciente de la pression extrême qui s'exerce sur les scientifiques et souhaite les soutenir, dans ce contexte de compétition accrue où la découverte ne vaut que si elle devient innovation et est publiée dans les plus grandes revues scientifiques. Elle estime important de réformer le mode de fonctionnement des comités scientifiques qui conseillent la Commission.

Il y a deux manières simples d'y parvenir: la première est d'assurer au sein de ces comités une représentation juste de tous les acteurs concernés, y compris, donc, celle des ONG et des associations de consommateurs. La seconde vise, dans un souci de transparence et de contrôle efficace, à proposer que soit ajoutée au mandat du GEE une mission d'évaluation de l'intégrité scientifique. Ce genre de contrôles, déjà mis en place au sein d'institutions scientifiques nationales, sera d'une aide précieuse pour la Commission afin de prévenir toute possibilité de situations à risque, de conflits d'intérêts ou bien de fraudes susceptibles de se produire dans le secteur de la recherche.

En guise de conclusion, la rapporteure souhaite mettre l'accent sur les nombreux documents dont elle a pu prendre connaissance et qui précisent que les compagnies d'assurance refusent généralement de couvrir le risque en responsabilité civile concernant les champs électromagnétiques. Connaissant la capacité des assureurs à évaluer tout type de risque et à parier sur l'avenir, on est en droit de s'interroger sur les raisons qui les motivent à appliquer à leur façon le principe de précaution.

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l'adoption

17.2.2009

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

43

1

3

Membres présents au moment du vote final

Adamos Adamou, Margrete Auken, Liam Aylward, Irena Belohorská, Maria Berger, John Bowis, Hiltrud Breyer, Martin Callanan, Dorette Corbey, Magor Imre Csibi, Avril Doyle, Mojca Drčar Murko, Jill Evans, Christofer Fjellner, Elisabetta Gardini, Matthias Groote, Satu Hassi, Christa Klaß, Holger Krahmer, Urszula Krupa, Peter Liese, Marios Matsakis, Linda McAvan, Roberto Musacchio, Miroslav Ouzký, Vladko Todorov Panayotov, Vittorio Prodi, Frédérique Ries, Dagmar Roth-Behrendt, Guido Sacconi, María Sornosa Martínez, Thomas Ulmer, Anja Weisgerber, Åsa Westlund, Anders Wijkman, Glenis Willmott

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Inés Ayala Sender, Kathalijne Maria Buitenweg, Philip Bushill-Matthews, Jutta Haug, Johannes Lebech, Caroline Lucas, Hartmut Nassauer, Justas Vincas Paleckis, Alojz Peterle, Lambert van Nistelrooij