Comment l’Union européenne lutte-t-elle contre les abus sexuels sur les enfants en ligne ?

Le Parlement européen veut mettre en place des règles efficaces pour prévenir et combattre les abus sexuls sur les enfants en ligne, tout en protégeant la vie privée des plus jeunes.

Teenager wearing a hoodie sits on stairs and uses smartphone
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La prolifération des contenus en ligne montrant des enfants subissant des actes sexuels a augmenté, particulièrement les contenus représentant les plus jeunes. En 2023, il y a eu plus de 36,2 millions de signalements d'abus sexuels sur les enfants en ligne, marquant une montée historique.


Développement de la législation européenne concernant les abus sexuels sur les enfants


L'UE a adopté une stratégie pour lutter contre les abus sexuels sur les enfants. La Commission a pour objectif de s'appuyer sur les règles datant de 2011. En novembre 2023, la commission des libertés civiles du Parlement a adopté un rapport sur une nouvelle proposition pour créer une législation ayant pour but de prévenir et de lutter contre les abus sexuels sur les enfants.

Les règles provisoires de 2021 permettent aux entreprises numériques de rechercher des contenus publiés sur leurs plateformes contenant du matériel pédopornographique. Ces règles prévoient une dérogation temporaire à certaines règles de l’UE en matière de vie privée et de communications électroniques. La proposition sur laquelle travaille le Parlement vise à établir des règles permanentes sur la manière dont les entreprises peuvent détecter les contenus pédopornographiques en ligne.

Une proposition distincte de directive, présentée par la Commission européenne en 2024, traite des menaces émergentes liées aux évolutions technologiques, telles que la diffusion en direct (livestreaming) et l’utilisation de l’intelligence artificielle pour créer du matériel pédopornographique.

Protéger la vie privée

 

Le Parlement européen veut préserver un équilibre entre protéger les enfants dans le monde digital et défendre des droits fondamentaux tels le droit à la vie privée. La position des députés sur le règlement sur la lutte contre les abus sexuels sur les enfants n'approuve pas l'analyse Web généralisée, ni la surveillance générale des communications privées, ni la création de portes dérobées dans les applications pour affaiblir le cryptage.

 

Obligations des fournisseurs : atténuation et évaluation des risques

 

Selon la régulation proposée, les fournisseurs de services d'hébergement ou les services de communication interpersonnelle devraient être obligés d'effectuer des évaluations de risque sur la présence potentielle de contenu sexuel impliquant des enfants sur leurs services. Une fois que les fournisseurs auront identifié le niveau de risque, ils devront mettre en oeuvre des mesures d'atténuation des risques.

La législation devrait fournir une liste extensive de mesures d'atténuation potentielles que les fournisseurs peuvent choisir de mettre en place. Elles incluent le principe de sécurité dès la conception (développer des produits ou des services d'une façon à éviter le maximum de danger), le contrôle parental obligatoire, l'établissement de mécanismes de signalements d'internautes, et l'usage de systèmes de vérification d'âge s'il y a un risque de sollicitation d'enfants. 

La législation devrait également introduire des mesures d'atténuation obligatoires pour les services qui ont pour cible principale les enfants. Les plateformes principalement utilisées pour le partage et le visionage d'activités pornographiques et certains services de messagerie dans des jeux sont également concernés. 

Les fournisseurs de services d'hébergement auraient l'autonomie de pouvoir choisir les technologies qu'ils utiliseraient pour accomplir leurs obligations. Les règles prévoient une procédure simplifiée pour les plus petites entreprises. 

 

Ordonnances de détection comme mesure de dernier recours

 

Si les fournisseurs échouent à accomplir leurs obligations, une autorité judiciaire sera capable de délivrer une ordonnance de détection, mais seulement en dernier recours. Cette ordonnance obligerait le fournisseur à avoir recours à certaines technologies pour détecter du contenu exploitant sexuellement les enfants. 

Les ordonnances de détection ne seront utilisées que s'il existe un soupçon raisonnable concernant des utilisateurs ou des groupes liés à l'exploitation sexuelle des enfants. Les ordonnances seront limitées dans le temps, avec des communications chiffrées de bout en bout et des messages texte exclus de leur périmètre. Cette approche permettra d'assurer que la vie privée et la sécurité des utilisateurs de services digitaux soient maintenues.

 

Aide aux victimes et aux survivants

 

La proposition pour un règlement sur la lutte contre les abus sexuels sur les enfants inclut l'établissement d'un Centre européen pour la protection de l'enfance. Le centre recevra, filtrera, évaluera et transmettra des rapports sur les contenus d'abus sexuels d'enfants aux autorités nationales compétentes et à Europol. Il soutiendrait les autorités nationales, mènera des enquêtes et infligera des amendes.

La proposition de la Commission inclut des droits spécifiques pour les victimes afin de demander des informations sur le matériel en ligne les représentant et le droit de demander le retrait de ce contenu. Le Parlement élargit ces droits pour inclure le droit de recevoir un soutien et une assistance de la part du Centre européen de protection de l'enfance ainsi que des autorités au niveau national.



Prolongation des règles temporaires


Le Parlement a approuvé son mandat de négociation fin novembre 2023 et est prêt à entamer les négociations avec les pays de l'UE pour déterminer le texte final de la législation.

Les règles temporaires exemptant les entreprises numériques des règles relatives à la vie privée en ligne lorsqu’elles recherchent des contenus pédopornographiques ont expiré en août 2024. Afin d’éviter un vide juridique, le Parlement a adopté un projet de position en janvier 2024, acceptant de prolonger la dérogation jusqu'en avril 2026. Cet accord provisoire a été formellement adopté par le Parlement en avril 2024.

Parallèlement, les colégislateurs cherchent à parvenir à un accord sur le cadre juridique à long terme afin d’éviter de nouvelles prolongations de la dérogation temporaire.

Réaction de l’UE face aux nouveaux risques technologiques


Pour faire face à la menace croissante des abus sexuels sur les enfants en ligne, le Parlement européen fait également progresser une législation visant à encadrer l’usage détourné des technologies nouvelles et émergentes dans ce type de crimes.

En juin 2025, le Parlement a adopté sa position sur une proposition visant à criminaliser explicitement l’utilisation de systèmes d’intelligence artificielle développés ou adaptés principalement à des fins d’abus sexuels sur enfants, ainsi que la diffusion en direct et la mise en ligne de matériel pédopornographique.

La proposition renforcerait également les capacités des forces de l’ordre en autorisant les opérations d’infiltration et l’utilisation de techniques de surveillance discrète, telles que les « pièges numériques » (ou digital honeypots), qui sont des environnements ou profils fictifs utilisés pour attirer et identifier les auteurs d’infractions.

Ces mesures visent à mieux armer les autorités face à des formes d’abus en ligne de plus en plus sophistiquées. La prochaine étape consiste pour le Parlement à entamer les négociations avec le Conseil afin de finaliser la législation.