L'Union européenne n'est ni une fédération à l'instar des Etats-Unis, ni une instance de simple coopération comme les Nations unies. C'est une construction politique, juridique et institutionnelle unique en son genre. Les Etats qui la composent restent souverains mais ont décidé de mener des politiques communes. Ils ont créé des institutions pour les définir et les mettre en oeuvre. Brève description des principales d'entre elles.
Toute la mécanique européenne repose sur un triangle institutionnel: la Commission, le Conseil et le Parlement européen. La Commission, véritable instance supranationale dans le traité CECA, a vu son rôle se réduire quelque peu dès le traité CEE. Elle reste toutefois aujourd'hui le moteur de l'intégration européenne. C'est elle notamment qui détient le pouvoir d'initiative législative et budgétaire: la Commission propose. En revanche, ce sont le Conseil, où sont représentés les gouvernements, et le Parlement, qui représente les citoyens, qui disposent. Ces deux institutions se partagent en effet le pouvoir de décision législative et budgétaire. A ce triangle originel est venu s'ajouter au fil du temps un quatrième "sommet", le Conseil européen, qui rythme la vie communautaire.
Le Conseil européen
A partir de 1961, les chefs d'Etat et de gouvernement de la CEE se sont réunis de manière informelle. En 1974, il fut décidé de confier un rôle plus important et régulier à ces sommets. Le "Conseil européen" était né et allait se réunir deux fois par an pour donner des impulsions au développement de l'Union et définir les orientations politiques générales. Le Conseil européen n'exerce pas lui-même de pouvoir législatif. Il arrête ses positions par consensus. Ses conclusions n'ont pas de valeur juridique jusqu'ici mais elles n'en orientent pas moins les travaux de l'Union en demandant régulièrement aux autres institutions de prendre des mesures concrètes.
Le Conseil européen se compose des chefs d'Etat et de gouvernement et du président de la Commission. Selon une coutume bien établie, le président du Parlement est l'hôte régulier du Conseil européen auquel il s'adresse au début de chaque réunion. Actuellement, la présidence du Conseil européen échoit au même pays qui exerce la présidence semestrielle du Conseil des ministres. Mais le projet de Constitution élaboré en 2003 par la Convention sur l'avenir de l'Europe prévoit une présidence plus longue: le président du Conseil européen serait élu par les chefs d'Etat et de gouvernement, à la majorité, pour un mandat de deux ans et demi (voir notre notice sur la Convention).
Le Conseil européen se réunit désormais quatre fois par an. Ces deux dernières années, il se réunissait alternativement à Bruxelles et dans l'Etat membre exerçant la présidence semestrielle. A dater du 1er mai 2004, toutes ses réunions se tiennent à Bruxelles.
Le Conseil des ministres
Le Conseil se compose d'un représentant ministériel par Etat membre. C'est là que se confrontent les points de vue nationaux sur les décisions à prendre. Le Conseil est, avec le Parlement, l'une des deux branches de l'autorité législative et budgétaire, mais il dispose aussi de pouvoirs d'exécution. Jusqu'en 2002, le Conseil pouvait se réunir en seize "formations" différentes, selon les matières. Il a été décidé de rationaliser ces réunions en neuf formations désormais: affaires générales et relations extérieures; affaires économiques et financières; justice et affaires intérieures; emploi, politique sociale, santé et consommateurs; compétitivité; transports, communications et énergie; agriculture et pêche; environnement; éducation, jeunesse et culture.
Le Conseil a son siège à Bruxelles mais se réunit en avril, juin et octobre à Luxembourg. Les Etats membres se succèdent à la présidence à un rythme semestriel, fixé jusqu'en 2006: Irlande et Pays-Bas en 2004; Luxembourg et Royaume-Uni en 2005; Autriche et Finlande en 2006. Le projet de Constitution prévoit des présidences tournantes plus longues, pour un an, dont l'ordre devrait être adopté par le Conseil européen à l'unanimité, en respectant le principe de rotation égale entre les Etats membres.
Sauf dispositions contraires (par exemple pour la fiscalité ou certaines matières sociales), le Conseil prend ses décisions à la majorité qualifiée. Actuellement, les voix des Etats membres sont pondérées en fonction de leur poids démographique, mais selon une proportionnalité dégressive allant de 10 voix pour les Etats les plus peuplés (Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie) à 2 voix pour les moins peuplés (Chypre, Luxembourg et Malte). Pour le Conseil à 25, à partir du 1er mai 2004, il y aura 124 voix au total et la majorité qualifiée en exigera 88, mais pour quelques mois seulement.
Selon le traité de Nice, la pondération sera modifiée à partir du 1er novembre 2004, selon une logique plus favorable aux grands Etats membres qui, à la même date, ne disposeront plus que d'un commissaire. L'éventail de cette nouvelle pondération donnera 29 voix aux mêmes quatre grands pays, 27 à l'Espagne et à la Pologne, 13 aux Pays-Bas,... et 3 à Malte. Soit 321 voix réparties entre les 25 Etats membres, avec un seuil fixé à 232 pour la majorité qualifiée.
Le projet de Constitution propose de remplacer ce système complexe par une double majorité beaucoup plus simple: la majorité qualifiée serait acquise quand la moitié des Etats membres représentant 60% de la population se prononce en faveur d'une décision. C'est essentiellement sur cette réforme que le Conseil européen n'a pu s'entendre lors de sa réunion de Bruxelles, en décembre 2003.
La Commission
La Commission est un organe collégial, politiquement indépendant, qui incarne l'intérêt général européen. Même si la montée en puissance du Conseil européen lui a porté ombrage, la Commission reste le moteur indispensable du système institutionnel européen. Elle a un pouvoir exclusif d'initiative législative; elle dispose de certains pouvoirs supranationaux, dans le domaine de la concurrence en particulier; elle est la gardienne des traités et, à ce titre, peut attaquer des Etats membres devant la Cour de Justice s'ils ne respectent pas leurs engagements; elle a enfin la responsabilité de la mise en oeuvre des décisions du Parlement et du Conseil, et de l'exécution du budget. Dans les domaines de la concurrence, du commerce extérieur et de la politique agricole, la Commission dispose en outre de pouvoirs indépendants, par exemple pour infliger une amende à une entreprise ou négocier au sein de l'OMC.
Par le terme "Commission", on entend à la fois l'administration permanente chargée d'assurer toutes ces missions et l'instance politique du collège des commissaires, qui siègent à Bruxelles. Le mandat des commissaires a été porté à cinq ans, pour correspondre à la durée de la législature parlementaire dont l'un des premiers actes est, précisément, d'investir le Président de la Commission puis le Collège des commissaires dans son ensemble. Les commissaires sont proposés par les Etats membres mais, en principe, indépendants d'eux. Le collège est en revanche redevable devant le Parlement européen qui a le pouvoir de le destituer par motion de censure (ce qui ne s'est jamais produit).
Le nombre de commissaires est souvent considéré comme une condition de l'efficacité du Collège. Jusqu'ici, on comptait deux commissaires pour les "grands" Etats membres et un pour les autres, soit 20 dans la Commission de l'UE à 15. A dater du 1er mai 2004, avec l'élargissement, ce nombre est porté à 30 avec un nouveau commissaire par pays adhérent. La nouvelle Commission qui entrera en fonction en novembre 2004, ne comptera plus qu'un commissaire par Etat membre, soit 25. En vertu du traité de Nice, lorsque l'Union comptera 27 Etats membres, le nombre de commissaires devra être inférieur à 27. Selon le projet de Constitution, le nombre de commissaires "avec droit de vote" serait ramené à 15 en 2009, président et (futur) ministre des Affaires étrangères compris, tandis qu'un nombre indéterminé de commissaires sans droit de vote subsisterait. Les deux "catégories" se répartiraient sur base d'une rotation égale entre les Etats membres.
Le Parlement
Dans le schéma institutionnel triangulaire, c'est sans conteste le Parlement européen qui a vu ses pouvoirs augmenter le plus au cours des dernières décennies, surtout après sa première élection au suffrage universel, en 1979. Grâce à la généralisation de la procédure de codécision, qui devrait encore s'accroître selon le projet de Constitution, le Parlement est devenu un véritable colégislateur avec le Conseil. Si on devait comparer le modèle communautaire aux systèmes fédéraux classiques, le Parlement européen représenterait la chambre des peuples et le Conseil serait en quelque sorte la chambre des Etats.
Le Parlement sortant compte 626 députés. Avec l'élargissement et la nouvelle répartition des sièges, on comptera 732 élus après les élections du 13 juin 2004. Le projet de Constitution prévoit un plafond maximum de 736 élus et octroie un minimum de quatre députés aux plus petits Etats.
Le Parlement européen a son siège à Strasbourg, où il tient annuellement 12 sessions plénières de quatre jours, mais ses commissions et groupes politiques se réunissent à Bruxelles, où se tiennent aussi des sessions plénières additionnelles, tandis que son administration se partage entre Bruxelles et Luxembourg. Nos notices étant réalisées dans la perspective des élections européennes, huit d'entre elles détaillent par ailleurs les principaux aspects des pouvoirs et du fonctionnement du PE.
Autres institutions et organes
A côté des institutions politiques, plusieurs autres instances complètent le paysage institutionnel de l'Union. La Cour de Justice, qui siège à Luxembourg, assure le respect du droit communautaire. Elle peut être saisie par les autres institutions. Elle ne doit pas être confondue avec la Cour européenne des Droits de l'homme, qui, elle, siège à Strasbourg et dépend du Conseil de l'Europe. Autre institution siégeant à Luxembourg, la Cour des comptes veille à la bonne gestion des finances communautaires. Le Médiateur, lui, siège à Strasbourg et veille sur la bonne administration des intérêts des citoyens par les institutions (voir notre notice sur la citoyenneté européenne).
Parmi les institutions financières, la Banque centrale européenne, responsable de la politique monétaire dans la zone euro, siège à Francfort (voir notre notice sur le contrôle démocratique de la BCE). Et la Banque européenne d'investissement, qui finance des projets d'investissement européens, siège à Luxembourg.
Deux organes consultatifs siègent à Bruxelles: le Comité économique et social, qui représente les organisations économiques, sociales et civiques de l'UE, et le Comité des régions où s'expriment les collectivités régionales et locales.
Enfin l'Union compte quinze agences spécialisées, dont les sièges sont répartis entre la plupart des Etats membres et qui remplissent des tâches techniques, scientifiques ou de gestion bien précises, par exemple dans le domaine de l'environnement, des médicaments ou de la sécurité alimentaire.
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